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Claire Obscurité
8 août 2010

Maya

” Il connaît le tout, en conçoit l’essence, et le voit pris dans un écoulement perpétuel, dans des désirs vains, dans un conflit interne, dans une constante souffrance ; aussi loin que porte son regard il ne voit que l’humanité souffrante, l’animalité souffrante et un monde qui passe. Or, tout cela lui est désormais aussi proche que pour l’égoïste sa propre personne. Avec une telle connaissance du monde comment pourrait-il maintenant affirmer cette vie par des actes de volonté continuels, et par la même s’y attacher de plus en plus fermement, l’étreindre avec de plus en plus de vigueur ? 

(…/…)

–  S’il nous arrive parfois, à nous autres qui sommes encore enveloppés dans le voile de mâyâ, de nous rapprocher de cette connaissance de la vanité et de l’amertume de la vie, lorsque nos propres souffrances nous pèsent, ou lorsque celles d’autrui nous frappent vivement, et que nous souhaitons, par la décision d’un renoncement total et définitif, briser l’aiguillon de nos désirs, fermer l’accès à toute souffrance, nous purifier, nous sanctifier, bientôt l’illusion du phénomène nous obnubile de nouveau, et une fois de plus ses motifs remettent la volonté en branle : nous ne parvenons pas à nous en arracher.  Les séductions de l’espoir, les flatteries du présent, la douceur des plaisirs, le bien-être qui échoit à notre personne, au milieu de la désolation d’un monde qui souffre, sous l’empire du hasard et de l’erreur, nous replongent dans cette illusion, et nous y attachent de nouveau. ”

Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et représentation I, pages 700 et s., collection folio essais, Gallimard, 2009.


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Claire Obscurité
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